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11 août 2022
En supprimant le médecin, supprime-t-on simultanément la maladie ?
Ma discipline n’est pas la médecine, enfin pas comme on l’entend communément. Je soigne les plantes, identifie les symptômes pour en expliquer les causes et tendre à les gérer.
Une remarque entendue cette semaine me conduit à prendre ma plume. Entendue maintes fois mais, cette fois, elle me blesse plus cruellement qu’à l’accoutumée. Elle revient toujours à la même idée : la phytopathologie, la connaissance des bio-agresseurs feraient partie du monde d’avant, sont obsolètes et révolues. Comment cela pourrait-il être ?
Si l’on fait le parallèle, un peu facile j’en conviens, avec la médecine humaine ou animale, cela tendrait à dire que, puisqu’il est désormais admis que mal se nourrir, ne pas suivre ses rythmes biologiques et s’infliger du stress sont mauvais pour la santé, inutile désormais que le monde compte des médecins.
Ce serait oublier que l’équilibre est difficile à atteindre et à maintenir et que les évènements de la vie sont prompts à le briser. On voudrait donc que, dorénavant, le nouveau jardin, le potager moderne, le parc urbain des années 2020 puissent vivre en parfaite harmonie avec leurs bio-agresseurs et se passer de l’expertise du docteur. On voudrait même au-delà nier son existence et son utilité.
Alors qu’en réalité, d’une part, ce jardin là est rare, réservé aux chanceux qui disposent de temps et d’un cadre privilégié, sans impératif d’aspect, d’usage ou de rendement. Cependant, même lui sera sensible à la météo qu’on ne peut anticiper. On l’a vu cette année, le printemps frais et pluvieux a fait émerger nombre de champignons habituellement contenus par des saisons plus chaudes et sèches. Qui pouvait l’anticiper ?
Par ailleurs, il serait vain de laisser croire que l’équilibre tant prôné est partout accessible. Il y a notamment les injonctions ornementales, le ou les usages qui sont faits de l’endroit, le niveau d’accès à l’eau et bien d’autres facteurs qui peuvent conduire à fragiliser la strate végétale.
D’où le besoin de faire appel à des spécialistes. D’autant plus nécessaires que la palette végétale se diversifie et s’étend, que celle des phyto-agresseurs également et qu’il faut les inscrire globalement dans un bouleversement climatique sans précédent.
Au contraire même, il en faudrait plus de médecins qu’il n’en existe ! À force d’associer la lutte chimique conventionnelle à la connaissance même des maladies et parasites, on en a limité l’enseignement et les filières, et sociétalement déconsidéré l’image. En discréditant cette discipline, cette connaissance, on les a perdues et reléguées au passé.
Quelle erreur quant au contraire, c’est en détectant tôt et finement les problématiques, les bio-agresseurs en jeu, qu’on peut contrecarrer leurs attaques sans trop de dommage, qu’on peut recourir aux méthodes douces et ou culturales.
Éliminer le médecin des plantes car il nuirait à celles-ci conduit à un obscurantisme malsain et forcément délétère. Le faire sous le prétexte que le monde s’en portera mieux est encore plus dommageable. C’est pourtant une idée qui se répand et fait beaucoup d’émules. Sacrifier le médecin n’a pourtant jamais supprimé les maladies qu’il diagnostique….